Une baisse de l’inflation en trompe-l’œil ?

18/05/2022

1 min

Après huit mois de hausse consécutive, l’inflation américaine a enfin marqué le pas en avril. Bien que ressortie au-dessus des attentes du consensus, et à un niveau toujours très élevé, l’inflation sur un an progresse de 8.3% contre 8.5% le mois précédent. Cette modeste décélération laisse enfin espérer le tant attendu pic inflationniste, même s’il faut noter que, rien que par la force des effets de base, on pouvait s’attendre à ce que l’inflation annuelle baisse automatiquement. Ainsi, en considérant par exemple (cf. graphique de la semaine) une inflation mensuelle constante de +0.4% sur les prochains mois, l’inflation sur un an devrait alors progressivement refluer pour repasser sous les 5% d’ici mars 2023.

Cependant, la lecture plus en détail des composantes de l’inflation appelle à davantage de prudence. En effet, après une forte hausse en mars, les prix de l’énergie ont globalement rebaissé en avril (-2.7% contre +11% en mars mais encore +30.3% sur un an !) ce qui a permis à l’indice des prix à la consommation de largement ralentir en avril (+0.3% contre +1.2% en mars). Néanmoins, les autres composantes de l’indice progressent encore de façon significative, comme la nourriture qui progresse de +0.9% sur le mois, avec des hausses sur certains produits depuis un an qui donnent le tournis (+22.6% pour les œufs par exemple). Plus problématique, en revanche, est la hausse de l’inflation core en rythme mensuel, bien qu’également en léger repli en rythme annuel. Si certaines hausses de prix sont directement liées à des facteurs exogènes comme pour les billets d’avion (prix de l’énergie) ou les voitures (écart offre / demande lié aux problématiques de chaînes d’approvisionnement), la hausse des prix dans les services témoigne en revanche d’une diffusion plus profonde, et probablement plus durable, de la hausse des prix dans l’économie américaine.

Alors que le salaire réel des américains ne cesse de baisser et que les élections de mi-mandat approchent, Joe Biden renvoie le combat contre l’inflation du côté de la Fed. Si les dernières données macroéconomiques ne devraient pas faire dévier l’institution américaine de sa trajectoire de resserrement monétaire, Jerome Powell a déclaré lors d’une interview, comme une réponse au Président américain, que cette lutte ne se ferait pas sans douleur, tout en reconnaissant également que la Fed avait agi avec retard dans sa lutte contre l’inflation (faute avouée à moitié pardonnée ?).

Alors que, dans le reste de l’actualité, les nouvelles n’invitent pas non plus à l’optimisme (forte contraction de l’activité en Chine, possible adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN qui devrait irriter davantage la Russie), nous considérons néanmoins que, malgré les incertitudes encore persistantes, une large partie des mauvaises nouvelles est déjà dans les prix et les niveaux de valorisation nous font repasser en sentiment neutre sur les actions américaines. Sur l’obligataire, si nous restons encore en sentiment neutre sur les taux d’intérêt, l’écartement des marges de crédit redonne du sens au « portage », le risque étant enfin rémunéré !

Thomas GIUDICI

Co-responsable de la gestion obligataire, Auris Gestion, Paris

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