Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent

28/07/2022

1 min

On le sait, les banques centrales sont totalement démunies face à l’augmentation de l’inflation. Elles ont donc été obligées d’abandonner, depuis maintenant plusieurs mois, la forward guidance (indication sur la politique monétaire à venir afin de « guider » les anticipations des investisseurs) au profit d’une approche davantage data dependent (ajustement rapide de la politique monétaire en fonction des nouvelles publications macroéconomiques). Pourtant, malgré cette approche revendiquée, les banquiers centraux n’ont pu s’empêcher de distiller, çà et là, des indications sur les hausses de taux à venir afin d’ancrer un minimum les anticipations des investisseurs, au risque de se retrouver en contradiction avec leur propre discours.​

Ainsi, après Jerome Powell qui avait affirmé que des hausses de taux de 75 bps n’étaient pas « activement considérées » (l’étaient-elles passivement ?) avant de rétropédaler quelques semaines plus tard face à des chiffres d’inflation aux États-Unis toujours plus hauts, Christine Lagarde a également fait les frais de sa communication hasardeuse. Pourtant, la messe semblait dite pour la réunion de politique monétaire de juillet de la BCE, l’institution européenne ayant préparé le terrain lors de la réunion de juin : « le Conseil des gouverneurs entend augmenter les taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 bps lors de sa réunion de politique monétaire de juillet ». Décision à venir réitérée quelques semaines plus tard à Sintra par Christine Lagarde malgré l’appel des membres les plus hawkish à faire plus et plus rapidement. ​

Comme pour la Fed, des chiffres d’inflation largement au-dessus des attentes en zone euro ont donc poussé la BCE à « frapper fort » et à relever ses taux directeurs de 50 bps pour les ramener à 0%. Si l’image pour la communication de la BCE est désastreuse, la décision reste logique dans le fond tant la banque centrale européenne est en retard sur ses homologues américaine et anglaise. La BCE a donc choisi d’accélérer le resserrement monétaire sans en changer le point d’arrivée (le « taux neutre »), que Christine Lagarde de son propre aveu ne connaît pas… La BCE avance donc mais sans savoir réellement où. Cette hausse est en tout cas une concession aux membres les plus hawkish ayant permis, dans le même temps, d’arracher le TPI (Transmission Protection Instrument), nouvel outil permettant de lutter contre des écarts de taux trop importants entre pays de la zone euro. Dans les faits, ce nouveau mécanisme reste assez flou : les conditions ne sont pas très contraignantes et son activation illimitée est à la discrétion de la BCE. Entretenir le flou pour éviter les spéculations ? En tout cas l’écart de taux entre l’Allemagne et l’Italie n’a pas retrouvé ses plus hauts de l’année alors que l’Italie rentre dans une nouvelle phase d’incertitude politique suite à la démission de Mario Draghi et la tenue de nouvelles élections en septembre.​

Alors que les indicateurs d’activité pour le mois de juillet sont ressortis, contrairement aux attentes, en phase de contraction en zone euro (indices manufacturier et composite), la tâche de la BCE va se compliquer et rien ne dit qu’elle pourra poursuivre son rythme de remontée de taux. Ce qui a été pris en juillet n’est donc plus à prendre …​

 



Thomas GIUDICI

Co-responsable de la gestion obligataire, Auris Gestion, Paris

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