Alors que le conflit ukrainien a tristement fêté son premier mois, les négociations piétinent toujours et ont même plutôt soufflé le froid la semaine dernière, les deux camps estimant que le processus de négociations n’avance pas sur les points clés. Si la déclaration de la Russie, qui dit à présent se concentrer sur le Donbass après avoir prétendument atteint ses objectifs initiaux, peut apparaître comme un aveu d’échec (même si une opération de désinformation n’est pas à exclure, comme cela a été le cas lors des exercices militaires pré-invasion), cela n’augure cependant en rien un apaisement du conflit. Au contraire, celui-ci pourrait même davantage s’enliser alors que, dans le même temps, les pays occidentaux font front commun et renforcent progressivement leurs sanctions. Seul le pétrole et le gaz russes résistent encore à l’embargo, mais on ne change pas 40% de son approvisionnement en quelques semaines...
Les marchés financiers semblent cependant de moins en moins erratiques face aux nouvelles (sauf majeures) sur le conflit et se focalisent désormais sur le resserrement monétaire de la Fed. Si la dernière réunion de la Fed n’avait pas été assez claire sur la volonté de l’institution américaine, avec un changement assez marqué des dot plots, les diverses déclarations au cours de la semaine sont venues confirmer que la hausse des taux se ferait à un rythme accéléré. Jerome Powell « himself » a ouvert le bal lors de la conférence annuelle du NABE (National Association for Business Economics) en déclarant qu’il n’hésiterait pas à « agir de manière plus agressive » en augmentant les taux directeurs de 50 bps lors d’une ou plusieurs réunions. La volonté du président de la Fed étant de ramener rapidement la politique monétaire à son niveau neutre (taux directeurs estimés à 2.5%), voire en territoire restrictif si nécessaire. Ces déclarations ont été suivies par celles d’autres membres du FOMC comme James Bullard (considéré comme le plus hawkish), qui milite pour des taux ramenés à 3% dès cette année, mais également par d’autres membres généralement plus dovish comme Loretta Mester (Présidente de la Fed de Cleveland) ou Mary Daly (Présidente de la Fed de San Francisco, « if we need to do 50, that is what we’ll do »).
La probabilité d’une hausse de 50 bps lors de la prochaine réunion de mai atteint désormais 75% (contre moins de 50% la semaine précédente). Dans le même temps, le rendement des emprunts d’état américains ont fortement progressé sur la semaine (+32 bps pour le 10 ans qui a même touché les 2.5%, niveau de mai 2019) et les courbes ont continué de s’aplatir. Il est néanmoins toujours bon de rappeler que si les récessions sont, en pratique, précédées d’une inversion de la courbe des taux (entre le 2 ans et le 10 ans), la réciproque n’est pas vraie. Notons par ailleurs que les anticipations d’inflation sont restées globalement stables et que ce sont les taux réels qui ont davantage progressé.
Dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à un fort décrochage des actions, notamment technologiques, ce qui n’a pas été le cas, loin s’en faut. Parmi les explications (puisqu’il faut essayer d’en trouver) : les scenarios du pire (guerre nucléaire, intervention de la Chine et/ou de l’OTAN) semblent s’écarter sur la guerre en Ukraine et les sanctions excluent toujours (veto de l’Allemagne) l’embargo sur le gaz russe qui accélèrerait la récession en Europe. Des facteurs techniques (rachats de short, rebond après sell-off type covid) peuvent également expliquer cette résilience sur les actions. Attention néanmoins, à ce petit jeu, on a généralement tendance à dire que les taux n’ont jamais tort...